Cédric Schwartzler, "le match de sa vie" au pays de Borg

2 janvier 2020

Pour ce 24e épisode, juste après les fêtes, nous nous délocalisons en Suède pour retrouver un Français de Belfort qui a élu domicile au pays de Borg, Wilander ou Edberg. C’est là qu’il vient de réaliser la "perf de sa vie".

Vous avez joué un match de 12 heures ? Vous avez battu Roger Federer quand il était jeune ? Vous avez gagné après avoir été mené 6/0 5/0 40-0 ? Vous avez gagné un tournoi en jouant pieds nus et en costume cravate ? Dans cette rubrique, nous vous invitons à partager vos plus belles expériences sur le court, quel qu'il soit (tennis, padel, beach...).

Identité : Cédric Schwartzler

Club d’origine : ASM Belfort

Année de naissance : 1974

Vous avez commencé le tennis en France il y a plus de 20 ans, mais vous vivez aujourd’hui à Stockholm, où vous venez de réussir votre plus belle perf...

Oui, et ce n’est pas rien de « perfer » en Suède car ici le système est totalement différent. Après avoir longtemps perdu au premier tour, j’ai enfin réussi à gagner des matchs et à battre donc une tête de série, ce qui encore une fois n’est pas banal ici.

Avant de nous en dire plus, parlez-nous de vous. Vous avez vécu en France avant de déménager au pays de Björn Borg ?

Je suis né à Belfort, où j’ai vécu jusqu’à mes 18 ans. J’ai ensuite fait mes études à Strasbourg, puis à Paris, à l’école centrale de Châtenay-Malabry. En 1996, je suis parti en Suède pour intégrer l’école royale polytechnique. J’y suis resté depuis. J’ai alors lâché le tennis, que j’avais appris en Franche-Comté, pour me consacrer à mon autre sport de prédilection, le marathon. En Suède, je pouvais combiner mon travail, qui est consultant en informatique, et ma passion pour le marathon. À Paris, ce n’est pas évident de s’entraîner pour ça. Il y a quelques jardins sympas mais j’avais l’impression de tourner en rond au jardin du Luxembourg (rires) ! Je courrais à l’époque en effet environ 200 km par semaine.

Vous avez fait de la compétition ?

J’ai terminé 4e aux championnats de Suède en 2007. J’ai participé également à plusieurs semi-marathons en Europe. Je me suis consacré au marathon pendant 20 ans, de 1995 à 2015. Pendant ce temps-là, je n’ai pas touché à une raquette de tennis !

Pourquoi avez-vous repris le tennis ?

J’ai arrêté la course car je n’avais plus la même tonicité ni les mêmes résultats. Ce qui me motive, ce sont les résultats. Je prenais moins de plaisir à l’entraînement. Au début, je visais les étoiles. Mais à la fin, je m’entraînais pour au mieux plafonner, ce qui ne me convenait pas. J’ai donc repris le tennis. J’avais quelques bases et quelques souvenirs des cours que j’avais pris en France avant 1995.

Pendant ces 20 ans, vous aviez tout de même suivi le tennis à la télévision ?

Ça, je n’ai jamais arrêté. Je regarde toujours plein de matchs, sans arrêt.

Depuis votre reprise en 2015, avez-vous progressé ?

J’ai beaucoup progressé. Je joue beaucoup. Mon passé de marathonien fait que je peux enchaîner les heures d’entraînement. La semaine dernière par exemple, j’ai joué 10 heures. Je ne suis pas spécialement musclé, mais je suis endurant. J’arrive à avoir mes adversaires à l’usure. J’ai aujourd’hui un bon niveau de deuxième série.

Et donc venons-en à ce tournoi durant lequel vous avez réussi le « match de votre vie » !

C’était pendant le tournoi de Järfälla, près de Stockholm, fin octobre. Il faut savoir avant toute chose que le système suédois est totalement différent du système français. Il est un peu spécial, à tel point qu’ils envisagent d’ailleurs de copier prochainement le système français. En attendant, dans tous les tableaux, tout le monde débute en même temps. Il n’y a pas de tableaux progressifs. Il y a simplement des têtes de série.

Quand vous êtes non classé par exemple, vous pouvez affronter dès votre premier match un joueur qui est classé à dix échelons ou plus devant vous. Lors de mon premier tournoi en Suède, alors que je n’étais justement pas classé, j’avais affronté la tête de série numéro 2, qui devait avoir un niveau 2/6. J’ai perdu 6/0 6/0.

C’est un système qui pousse à jouer beaucoup ?

Oui, il faut enchaîner les tournois pour essayer de décrocher ses premiers points. J’ai mis du temps avant de gagner des matchs. Sur mes 30 premiers matchs, je n’en ai gagné que 3. Mais j’ai progressé, petit à petit, et je suis arrivé à ce tournoi de Järfälla, fin octobre, dans une bonne forme. Pour mon premier tour, en huitième de finale, j’ai gagné après avoir été mené 2/6 3-5. C’est à ce moment-là que j’ai réussi à breaker mon adversaire pour la première fois pour revenir à 5 partout.

J’ai gagné le deuxième set au tie-break avant de remporter le super tie-break en sauvant une balle de match à 8-9. Je suis passé par un trou de souris pour battre un autre joueur non tête de série mais un peu plus fort que moi, sur le score de 2/6 7/6(5) {11/9} et après 2h45 de jeu.

Vous voilà en quart de finale face à une tête de série ?

C’était déjà un petit événement de passer un tour. Et là, en quart de finale, je me retrouve en position de battre une tête de série pour la première fois. Je mène 5-2 et 40-15 face à la tête de série numéro 4. J’ai tremblé un peu au moment de conclure le premier set, car il est revenu à 5 jeux partout. En réalisant le truc, j’ai eu le bras en compote.

Il m’a fallu être fort mentalement pour pouvoir retrouver mon jeu. Il est revenu à 5 partout en me breakant deux fois alors que je n’avais pas encore perdu mon service. Mais je me suis remobilisé à 5-5 en refrappant la balle et en rejouant mon tennis pour gagner 7/5. Il faut savoir penser au public. Un peu de suspens, bon sang (rires). Dans le deuxième set, je me suis imposé 6/4. C’était ma plus belle perf en Suède, j’étais très heureux.

Et l’aventure s’est arrêtée là ?

Alors que je devais jouer ma première demi-finale, j’ai dû en effet déclarer forfait. J’avais en effet prévu de venir à Paris avec mon fils pour assister au Rolex Paris Masters.

Difficile d’avoir des regrets s’il s’agissait de faire plaisir à votre fils ?

Mon adversaire en demi-finale avait un très bon niveau. Je ne pense pas que j’aurais pu gagner plus de deux jeux. D’un côté, j’étais quand même déçu de ne pas avoir pu être présent physiquement pour disputer cette demi-finale, et de l’autre, j’étais ravi de ce petit séjour à Paris pour lequel j’avais réservé les billets d’avion la semaine précédente. Lorsque j’ai réservé, je ne pensais une seconde que j’irai aussi loin dans ce tournoi. Mais ces quelques jours dans la capitale étaient parfaits, on a même eu le temps de visiter la Tour Eiffel.

Quels joueurs avez-vous vus au Masters 1000 de Paris ?

Nous étions là le jeudi, pour les huitièmes de finale. Nous avons vu Garin battre Chardy, puis Dimitrov corriger Thiem, Djokovic battre Edmund et Tsonga dominer Struff après un match très serré et très animé.

© FFT

Vous avez rejoué un autre tournoi depuis ?

Oui, et j’ai battu une autre tête de série, numéro 3 cette fois. Je me suis de nouveau retrouvé en demi-finale, au tournoi de Sundbyberg, et cette fois j’étais bien présent sur le court. J’aurais peut-être mieux fait de rester chez moi ceci dit. Car à 2/6 6/3 et 8 partout dans le super tie-break, un coup de mon adversaire a tapé la bande, la balle a roulé sur le filet... puis est retombé de mon côté. Ce petit coup de pouce lui a donné une balle de match que j’ai perdu en faisant une double faute. J’ai eu du mal à digérer, d’autant qu’en finale, j’aurais affronté une non tête de série, qui lui s’était qualifié en battant la tête de série numéro 2 par forfait. J’aurais peut-être eu l’opportunité de gagner un tournoi.

Faire du marathon vous a-t-il aidé pour le tennis ?

Le marathon vous impose d’accepter la douleur. Il faut être dans le « j’ai mal, mais je continue. » En tennis, il faut une autre force mentale. Ça n’a plus rien à voir avec la douleur ici, mais avec le contrôle de soi. Je suis de nature assez sanguine. Il m’arrive parfois de proférer des insultes sur le court. À moi-même bien sûr. Je le fais en français, comme ça personne ne comprend (rires).

Vous vous entraînez à Stockholm, qui est une grande ville de tennis.

Il y a en effet un tournoi ATP 250, où l’ambiance y est formidable, surtout le week-end. Dans mon club, j’ai l’occasion parfois de taper la balle avec Lucas Renard (ndlr : 1090e ATP, né en 1992 à Stockholm), qui a d’ailleurs passé un tour aux qualifs de Stockholm en battant Ernests Gulbis.

Quels sont vos joueurs préférés ?

J’aime les joueurs qui sont de « petite » taille, comme moi. Diego Schwartzman ou David Ferrer par exemple. Concernant les meilleurs, il est difficile de s’identifier à Nadal et à Federer, mais je me sens peut-être plus proche de l’Espagnol et de sa manière d’être bosseur et besogneux. J’éprouve le besoin de faire du sport tous les jours. Pour moi, une journée sans sport est une mauvaise journée.