Comment développer le sens de l'anticipation ?

8 décembre 2022

Dans ce nouvel épisode de conseils aux compétiteurs, Geoffrey Blancaneaux nous explique comment développer le sens de l'anticipation, l'une de ses grandes forces.

Cela fait partie des forces dites "invisibles", celles qui ne tapent pas forcément à l'œil comme un service à 220 km/h ou un revers gagnant pleine lucarne, mais qui constituent néanmoins une arme majeure chez un joueur de tennis : le sens de l'anticipation, mélange subtil de feeling et de grande connaissance du jeu, est cette qualité qui permet de savoir où l'adversaire va jouer, parfois même avant – en caricaturant un peu – que celui-ci le décide.Certains joueurs ont su élever cette qualité à un tel niveau qu'elle en constitue aujourd'hui un point fort à part entière, à l'instar de Geoffrey Blancaneaux qui, comme beaucoup, a développé cet art du contre pour compenser une croissance qui s'est faite tardivement (il mesure 1,81 m aujourd'hui).L'ancien vainqueur de Roland-Garros juniors (en 2016), désormais âgé de 24 ans, a atteint son meilleur classement (134è) à la fin de cette saison 2022 qu'il avait attaquée au-delà de la 200e. Et ce en grande partie par sa faculté à lire dans le cerveau des autres.

1/ Faites des exercices de géométrie

Si vous êtes du genre à vous demander (ou à vous être demandé) durant toute votre scolarité à quoi pouvait bien servir les cours de géométrie, eh bien voilà une réponse très valable : à devenir un meilleur joueur de tennis !"Le tennis, c'est ni plus ni moins de la géométrie", confirme ainsi Geoffrey Blancaneaux. Si on envoie une balle dans telle zone, avec tel angle, l'adversaire va jouer les trois-quarts du temps à tel endroit. C'est très rare qu'on soit surpris, peu de joueurs en sont capables. Donc je me replace en fonction de ça…"On entre là dans la fameuse théorie des angles développée par Henri Cochet : le replacement idéal après une frappe se situe non pas forcément au centre du terrain, mais plus précisément à la bissectrice des deux angles les plus extrêmes que vous ouvrez à l'adversaire. Donc au centre, certes, si votre balle est au centre, mais plus ou moins excentré sur la gauche ou sur la droite selon si votre balle est croisée ou long de ligne.Pour assimiler ça, chacun sa méthode. Geoffrey a eu la sienne : "Personnellement, comme j'ai besoin de visualiser les choses pour les apprendre, j'ai fait beaucoup de tableau noir en dessinant des schémas reproduisant des situations tennistiques. Et puis, à force de jouer, à force de le travailler, à force d'en discuter, c'est devenu un automatisme.

© FFT / Christophe Guibbaud

Comme ici la jeune espoir Laia Petretic, imaginez que certains exercices scolaires ont parfois une utilité pour votre jeu !

2) Observez le plus possible les autres joueurs

Il n'y a pas de secret : le sens de l'anticipation est une qualité que l'on retrouve essentiellement chez les joueurs les plus passionnés. Car ce sont ceux qui passent le plus de temps à regarder du tennis et observer les autres joueurs.A force, on finit par s'imprégner naturellement de cette danse géométrique que constitue le tennis, mais aussi par noter chez les autres joueurs quelques petits détails techniques qui pourront constituer de précieuses indications le temps venu."Je connais la manière de jouer de quasiment tous mes adversaires, leurs zones préférentielles dans telle ou telle situation et ça me sert le jour du match", explique ainsi Geoffrey Blancaneaux, qui reconnaît passer beaucoup de temps au travail vidéo, ce qui est évidemment beaucoup plus facile chez les pros même si cela commence aussi à se développer chez les amateurs.On se souvient qu'Andre Agassi avait remarqué que Boris Becker tirait la langue d'un côté ou de l'autre selon l'endroit où il allait servir (une astuce qu'il a expliqué dans sa biographie "Open"). Sans aller jusque-là, l'observation du jeu de jambes et du placement de votre adversaire peut (par exemple) vous donner un bon indice sur son intention de jeu, ce qui peut s'avérer crucial si vous devez choisir très vite un côté, en phase défensive.

© FFT

Comme Rafael Nadal, oservez les autres joueurs quand vous le pouvez...

3/ Travaillez l'œil

Le sens de l'anticipation, on l'a dit, se travaille en cultivant son sens et sa connaissance du jeu. Mais il y a aussi un aspect physiologique corrélé : la fameuse qualité d'œil, que l'on attribue à ces joueurs et ces joueuses qui semblent capables presque sans effort d'être toujours placés à bon escient.Il y a une part d'inné, peut-être. Mais l'œil, comme tout organe, doit être entraîné pour performer. Il existe de nombreux exercices pour développer sa faculté visuelle, sur le court ou devant les écrans."L'œil est une qualité essentielle qu'il ne faut surtout pas négliger de travailler parce que c'est le genre de détails qui aide énormément à progresser, estime Geoffrey. Quand on est jeune, au-delà de ses qualités techniques, si on comprend le tennis et la manière dont ce sport se joue, on évolue beaucoup plus vite. D'ailleurs, le travail de l'œil est souvent corrélé à celui du pied, les deux étant généralement liés : si l'œil répond bien, le pied sera plus réactif."

Et c'est tout votre jeu qui s'en trouvera tiré vers le haut.

© FFT / MArine Andrieux

Luca Van Assche exerci ici son oeil dans le cadre du projet BEST à la direction technique nationale.

4/ Pratiquez d'autres sports

On a tous en tête cet exemple caricatural du "footeux" qui débarque au tennis et empoisonne ses adversaires par sa capacité à renvoyer inlassablement toutes les balles, jusqu'à en battre certains pourtant supposés plus forts.Ce n'est pas un hasard. Les "footeux" (mais ce ne sont bien sûr pas les seuls) ont naturellement développé le sens du jeu grâce à leur discipline qui leur a conféré une bonne lecture des trajectoires de balle associée à une bonne réactivité de pied, en plus de leurs qualités physiques.Pratiquer d'autres sports complémentaires, surtout durant les années de formation, peut donc être un vrai plus et c'est ce qu'a fait Geoffrey Blancaneaux dans sa jeunesse : "Petit, j'étais assez hyperactif donc j'ai pratiqué un peu tous les sports de raquette et j'ai également fais du foot. Je me rends compte aujourd'hui que ça me sert, dans la culture globale du sport et la compréhension du jeu."L'œil, le pied, la connaissance du jeu : telles sont les mamelles du sens de l'anticipation, peut-être la plus grande qualité dont puisse être doté un joueur de tennis. Et la plus accessible, aussi.(Rémi Bourrières)

© FFT / Corinne Dubreuil

Caroline Garcia, la gagnante du Masters pratique d'autres sports quand l'occasion se présente.