Chargé de superviser les équipes techniques régionales mais aussi la formation des enseignants ainsi que le développement du tennis dans les clubs, ou la progression des jeunes en Martinique, Guadeloupe, à La Réunion, en Guyane comme en Nouvelle-Calédonie, Laurent Storai perçoit, malgré l’éloignement, un potentiel important, à l’image de celui du Réunionnais Benoît Geldof, classé 0 à 14 ans.
Laurent Storai, responsable des ligues ultramarines à la DTN : « Nous pouvons nous appuyer sur de bonnes équipes techniques régionales »
Chargé de superviser les équipes techniques régionales mais aussi la formation des enseignants ainsi que le développement du tennis dans les clubs, ou la progression des jeunes en Martinique, Guadeloupe, à La Réunion, en Guyane comme en Nouvelle-Calédonie, Laurent Storai perçoit, malgré l’éloignement, un potentiel important, à l’image de celui du Réunionnais Benoît Geldof, classé 0 à 14 ans
En tant que référent Outre-Mer, quel est précisément votre rôle ?
Je dois faire appliquer la politique fédérale sur ces territoires, notamment le plan de performance fédéral (PPF), en adaptant l’ensemble à leurs spécificités. Cela passe par le suivi des meilleurs jeunes, ceux qui figurent dans le cercle 1 et le cercle 2, mais aussi le suivi sur des tournois spécifiques, en Outre-Mer et en métropole, des rencontres avec les élus, les enseignants, et les parents. J’ai aussi pour charge de faciliter les démarches des équipes techniques régionales, par exemple quand elles préparent des voyages en métropole pour des tournées de tournois. Depuis septembre 2024, je rends compte à la DCPT de l’évolution des CED lors de mes fréquents déplacements.
Votre poste implique aussi de nombreux voyages...
Oui, je vais deux fois par an en Martinique, en Guadeloupe et à La Réunion, une fois en Guyane et en Nouvelle-Calédonie. Quand je me rends en Nouvelle-Calédonie, vu l’éloignement, je passe 15 jours sur place pour trois jours de voyage. Lors de chaque voyage, j’effectue des entretiens collectifs et individuels avec l’équipe technique régionale, également avec des élus de ligue, j’anime des réunions de formations avec les enseignants de clubs, j’organise le suivi et l’entraînement des meilleurs jeunes tout en échangeant avec leurs parents. S’y ajoutent des visites de clubs (rencontre du président, du bureau et des enseignants). J’en profite pour présenter des documents produits par la DTN comme le guide des parents, ou des vidéos des meilleurs Français dans leurs catégories d’âge afin que les entraîneurs comme les compétiteurs aient des références, ainsi que de nombreux supports numériques.
Quelles sont les forces et faiblesses du tennis dans les ligues d’Outre-Mer ?
D’abord, nous pouvons nous appuyer sur de bonnes équipes techniques régionales, soit issues du territoire soit présentes depuis longtemps. Nous avons beaucoup moins de turn-over qu’avant, ce qui permet de mieux travailler, d’installer des politiques sur la durée. Par ailleurs, les jeunes disposent d’un potentiel physique intéressant car ils pratiquent beaucoup de sports en extérieur, vivent en bord de mer, avec un climat qui s’y prête. En revanche, la confrontation est moins âpre qu’en Métropole, les mêmes joueurs et joueuses s’affrontent régulièrement par manque de densité. Pour compenser, on organise régulièrement des déplacements dans l’Hexagone, mais cela coûte cher et prend aussi beaucoup de temps aux cadres de ligue qui accompagnent ces voyages. Sur le plan des infrastructures, toutes les ligues disposent d’un centre opérationnel sauf celle de La Réunion qui passe des conventions avec certains clubs. Par ailleurs, fin 2025, la ligue de Guadeloupe disposera d’un centre tout neuf. L’une des problématiques vient de la météo avec parfois des cyclones, et l’air marin comme le soleil qui entraînent un vieillissement accéléré des courts. Avec souvent un manque de fonds pour les rénover.
Comment surmonte-t-on le handicap de l’éloignement ?
En dehors de mes visites, grâce à beaucoup de visioconférences et des coups de fil réguliers afin d’être au courant de ce qui se passe. Je m’appuie également sur le suivi de tournois quand les meilleurs espoirs viennent en France, notamment l’été. Grâce à cela, je sais presque tout de la progression des enfants, du travail effectué dans les clubs ou par les équipes techniques régionales.
En termes de formation, comment se passe l’accompagnement des enseignants ?
Malheureusement, je vois assez peu les enseignants de clubs, sauf quand ils accompagnent des tournées de tournois en France (entre 6 à 10 pendant l’été, par exemple, en région), mais tous ne peuvent s’absenter aussi longtemps. Je les vois un peu plus sur place lors de mes déplacements dans les territoires car je propose des formations les réunissant, en présence des équipes techniques régionales, qui prennent ensuite le relais et répondent à leurs questions. Mais il est vrai que je vois beaucoup plus les cadres techniques. La DTN a par ailleurs mis en place des formations sur les 7-10 ans et 11-14 ans en France dans lesquelles j’interviens, mais tous les enseignants ultramarins ne peuvent se payer un billet d’avion ou s’absenter. D’où la création de formations sous forme de visioconférences ou de vidéos.
De bons jeunes émergent régulièrement de ces territoires...
Effectivement. Nous avons actuellement six joueurs et joueuses de niveau national nés entre 2009 et 2015, ainsi qu’un joueur de niveau international, le Réunionnais Benoît Geldof, classé 0 à 14 ans. N°1 français dans sa catégorie d’âge, il est déjà n°1 européen et 416e ITF chez les juniors. Il a récemment été invité à un stage à Nice, supervisé par Aloïs Beust et Ivan Ljubicic, afin de préparer les tournois de Cap-d’Ail, d’Istres et de Beaulieu-sur-Mer. Il s’agit d’un joueur de grande qualité avec un projet familial fort : puissant, Benoît possède un bon service, un bon coup droit, un revers à une main, beaucoup de toucher et de qualités offensives, ainsi que des qualités physiques exceptionnelles. Il s’agit de notre meilleur espoir. Ses parents choisiront la structure qui convient le mieux. Plus largement, les Antilles ont beaucoup apporté au tennis français, même si certains joueurs n’ont pas été entraînés sur place. Parfois, le manque de budget oblige à faire des choix, à resserrer le suivi sur quelques éléments, avec le risque de se tromper quand on doit évaluer le potentiel d’éléments âgés de 11 ans par exemple. Il y a pourtant un énorme potentiel, on le voit en rugby avec Peato Mauvaka et Yoram Moefana, tous deux nés à Nouméa, qui brillent au sein du XV de France, mais aussi en foot, judo, escrime, basket, handball, athlétisme… Le potentiel est énorme, mais le tennis est un sport à forte précocité, qui demande de voyager très jeune, donc plus d’argent et beaucoup de disponibilité de la part des cadres techniques. Conscientes du problème, les familles de nos jeunes joueurs participent financièrement et humainement à ces voyages et déplacements, bien plus qu’en Métropole. Il faut leur rendre hommage.