Olivier Grave : "Je vise clairement la place de champion du monde"

18 juillet 2023

Dans ce nouveau carré para, nous vous proposons d'en découvrir un peu plus sur le tennis sourds et malentendants. Avec l'interview d'un champion en la matière : Olivier Grave, classé 0.

C’est sans doute parce qu’il est un "handicap invisible" que sa médiatisation est plus confidentielle. Pourtant la problématique de la surdité touche dans les faits un périmètre très large : en France, plus de six millions de personnes souffrent d’un déficit auditif. Ce qui ne les empêche pas de faire du sport, et parfois à très haut niveau.

Olivier Grave en est le parfait exemple. Le Francilien, qui a commencé le tennis à l'âge de cinq ans dans son club d'enfance à l'Arsenal Châtillon (Hauts-de-Seine), souffre d’un déficit auditif, un handicap héréditaire repéré dès la maternelle. Ce qui ne l’a pas empêché de faire du tennis sa passion autant que son métier.

© FFT / Pauline Ballet

Le licencié de l'Artsenal Châtillon est actuellement classé 0.

Olivier, on peut dire que vous êtes né dans un club…

Exactement. Je suis à l’Arsenal Chatillon TC depuis 1995. 28 ans donc ! Mes parents jouaient au tennis, juste en loisirs, et m'ont inscrit là-bas.

C'est mon club formateur en tant que joueur, mais aussi en tant qu'enseignant. Ça fait 12 ans, depuis 2011 exactement, que je suis diplômé d'état et que je donne des cours. Je travaille au club à temps plein mais je continue aussi la compétition.

Au fur et à mesure, j'essaye d'ajouter des cordes à mon arc : je me suis investi dans le tennis fauteuil, le tennis sourds et malentendants. On a développé le tennis adapté au club et je suis également juge arbitre !

Quelle formation avez-vous suivi pour enseigner à des joueurs paratennis ?

J'ai participé à une formation FFT à Orléans en 2022. La formation a duré trois jours et portait essentiellement sur le tennis-fauteuil, avec aussi une demi-journée sur le tennis sourds et malentendants.

Un intervenant a sensibilisé les participants aux difficultés de chaque discipline. J'ai trouvé ça très efficace car ce n'était que du "terrain", j'étais vraiment en situation avec les fauteuils.

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Comment votre handicap de surdité affecte-t-il votre tennis ?

J'ai la chance d'avoir des appareils auditifs qui me permettent de bien entendre, et une surdité moyenne. Le handicap ne m'impacte pas trop dans mon quotidien de tous les jours. Le seul problème, c'est sous la bulle de tennis, ça résonne et je peux faire répéter les gens autour de moi.

Au tennis, tous les sens sont mis à contribution. Pouvez-vous expliquer comment se déroule une compétition estampillée sourds et malentendants ?

Lors des compétitions, tout le monde joue sans appareils auditifs. Quand vous faites du tennis et que vous entendez "normalement", vous identifiez le son d'un effet lifté, slicé, coupé, frappé ou même d'une amortie, au moment de l'impact de la raquette.

Sans appareil, il y a un temps de latence qui est assez perturbant. On est davantage concentrés car on est un peu dans notre bulle. En revanche, il y a pas mal de fatigue qui se crée au bout d'une certaine durée.

Et au niveau de l’arbitrage ?

L'arbitre fait des annonces et donne le score normalement. Mais s’il annonce faute et que les deux joueurs n'ont pas entendu, il lance une balle rouge sur le terrain pour arrêter le point et faire signe que la balle n’était pas bonne.

Vous avez participé à une démonstration durant le dernier Roland-Garros. Qu’avez-vous pensé de cette initiative ?

Que c’était une bonne idée ! Les gens ne se rendent pas forcément compte de notre quotidien : on est debout, on a nos deux bras, nos deux jambes, tout à l'air normal... Et pourtant nous avons des problèmes auditifs qui peuvent impacter notre quotidien d'où cet handicap invisible.

Les personnes présentes ont pu se rendre compte de ce qu'était la surdité profonde, quand on met les casques et qu’on n'entend plus rien autour. Ce qui était vraiment sympa, c'était d'écouter leurs retours. Ce n'est pas si simple de jouer au tennis lorsqu’on n'entend pas.

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L’idée était aussi de promouvoir le tennis sourds et malentendants dans le but d'organiser un tournoi du Grand Chelem l'année prochaine à Roland-Garros. Le comité des Grands Chelems commence à s'intéresser aux sourds. Il y a eu un tournoi à l’Open d’Australie cette année, et cela devrait continuer l'an prochain. On espère que la France va prendre le relais.

Vous allez participer aux Championnats du monde en Crète en septembre. Quelles sont vos ambitions ?

Il y a trois compétitions, championnat individuel, double hommes et double mixte, et le but, c'est trois médailles ! Je vise clairement la place de champion du monde en simple et en double mixte.

En double hommes, avec mon coéquipier Maxime Sanchez, on va essayer d'aller chercher une médaille. Dans cette discipline, les Français Vincent Novelli et Mickaël Laurent n’ont connu qu’une seule défaite depuis 2009. Ils sont double champion d’Europe, du monde, double champion olympique… Ils sont très forts, se connaissent par cœur. Mais on va essayer d’oublier le mythe pour tenter notre chance.

Je vise aussi les Deaflympics, au Japon, en 2025. Le tennis sourds et malentendants n'est pas une discipline paralympique et donc n’est pas présente aux Jeux Paralympiques. Mais elle est reconnue comme compétition olympique par le comité olympique.