Comment le RC Arras suscite des vocations dans le tennis sourds et malentendants

E.B.

25 juillet 2025

Depuis un peu plus d'un an, le RC Arras Tennis a noué un partenariat avec le Centre d’Education pour Jeunes Sourds (CEJS) local. Julie Gauguery, directrice sportive du club, nous explique dans ce nouveau carré para le cheminement vers cette initiative.

Pour Julie Gauguery, tout commence par une simple discussion. "Emmanuel Mas de la ligue des Hauts de France m'a dit un jour : 'Julie, tu savais qu'il y avait dans le coin le plus grand centre de rééducation de jeunes sourds en France ?'. Je n'étais pas au courant mais le tennis sourds et malentendant commençait alors à se développer. Tout de suite, j'ai été intéressée."

Depuis longtemps, l'enseignante du RC Arras TC - par ailleurs excellente joueuse au niveau individuel, classée -15 en 2022 et passée par le circuit universitaire américain - possède à la fois la fibre club et para. Véritable enfant du club, elle l'a intégré en tant que joueuse en septembre 2009, à l'âge de 13 ans. Et en dépit d'une absence de ses 18 à 22 ans, elle y est revenue pour enseigner depuis septembre 2021.

Avant elle, le club s'était déjà intéressé au paratennis. "Benjamin Potier, directeur administratif et entraîneur au club, a toujours eu cette fibre para, souligne Julie Gauguery. Il entraînait déjà deux joueurs en tennis-fauteuil il y a 15 ans. Puis il y a eu beaucoup de médiatisation avec les Jeux olympiques de Paris puis les Paralympiques. La FFT et la ville de Arras ont travaillé et poussé vers plus d'inclusion avant Paris 2024. Cette période olympique a vraiment accéléré les choses. En tant qu'entraîneur j'ai aussi eu cette sensibilité. J'ai su très tôt dans ma formation, que je voudrais me tourner vers le handicap, la pratique pour tous."

Le projet paratennis va prendre de l'ampleur lorsque le club devient le premier en France à noué un partenariat avec un centre de jeunes sourds. "Les éducateurs et le directeur étant extrêmement dynamiques, ils ont dit oui rapidement. On a préparé une séance d'initiation pour les jeunes qui ont joué au tennis pendant deux heures. Tout le monde au centre était surpris du comportement des enfants. Ils s'attendaient à ce que ça parte dans tous les sens, alors qu'en fait, ils se sont rendu compte que ca leur apportait un cadre, des règles à apprendre. C'est une population complexe à appréhender, car le spectre de la surdité est gigantesque. On se retrouve avec des enfants en situation de handicap bien différent."

Avec Benjamin Potier et Thierry Podeur (directeurs sportifs) mais aussi César Mathieu (enseignant), Julie suit une formation à domicile délivrée par le sélectionneur de l'équipe sourds et malentendants, Xavier Lerays, qui les pousse à développer ce partenariat. Car pour ces jeunes, le tennis représente un moyen idéal de faire du sport et de sociabiliser.

"Ils ont besoin de beaucoup de visuels, note Julie. À chaque séance, ils ont leur petites fiches pour savoir ce qu'ils vont travailler. J'ai été très rapidement en autonomie. Certains jeunes qui sont malentendants m'ont aidé à apprendre la ligue des signes, ils nous aident. La communication n'est pas du tout un frein."

Le club a mis en place avec le centre d'éducation une heure de tennis avec un roulement de huit joueurs sur chaque trimestre, soit l'équivalent de 24 enfants formés qui reçoivent un diplôme à la fin de l'année. Deux joueurs de tennis-fauteuil sont aussi coachés par Benjamin Potier et un joueur de para-standing tennis s'entraîne également.

"Il était 30/2 chez les valides avant son accident, explique la directrice sportive. Il nous a contactés, il voulait reprendre le tennis. Désormais, il s'entraîne avec un joueur valide, classé 30/4. J'aimerais faire plus, former des enfants encore plus jeunes, mais il y a la question du temps, car il faut ajouter à cela l'école de tennis, la compétition... Mais on laisse toujours les portes grandes ouvertes. C'est ça qui est super : faire jouer tout le monde. Un jeune du centre va essayer de s'inscrire au club. On veut l'inclure dans nos groupes de tennis. On fait venir et pratiquer tous les joueurs fauteuils surtout avec les enfants pour les sensibiliser encore plus."

D'autant que l'enseignante le confirme : il y a encore de la marge pour développer ces disciplines. Et le tennis français, via sa mythique vitrine de Roland-Garros, est un formidable catalyseur de vocations. "Les enfants ont eu la chance d'aller aux "qualifs" de Roland. Et ça les a énormément aidé à apprendre les règles. Il y a un avant et un après Roland. Quand ils sont revenus, ils avaient d'un coup compris le sens du jeu", souligne Julie Gauguery.

Avis aux intéressés : le RC Arras a plein de bonnes idées à partager. "J'ai la porte ouverte si un club veut me contacter et s'inspirer de nous ! Pour les joueurs, le club et l'entraîneur, c'est une expérience supplémentaire très enrichissante."