Tsonga, comme un géant

24 mai 2022

Alors qu'il tire sa révérence, le moment est venu de rendre hommage à Jo-Wilfried Tsonga. A sa carrière, au joueur, à l’homme.

Après les émotions d'un moment forcément émouvant, il est venu le temps de le dire et de l'écrire : Jo-Wilfried Tsonga a été un géant du tennis. Du tennis français bien sûr, du tennis mondial aussi.Par le simple résumé des chiffres (voir plus bas), la carrière de Jo est déjà immense. Mais les chiffres ne disent pas tout de l’aura et de l’impact d’un joueur sur son sport.

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Il faut avoir eu la chance d’être dans un vestiaire de Coupe Davis pour comprendre ce qu’était Jo-Wilfried Tsonga pour le tennis français. Il faut aussi avoir eu la chance de vivre au bord du court son épopée victorieuse au Rolex Paris Masters en 2008, pour mieux saisir la force unique que dégageait le joueur.Né le 17 avril 1985 au Mans, Jo est un enfant de la FFT. Passé dès 13 ans par le CREPS Poitiers où il s'est construit en tant que joueur mais aussi en tant qu'homme, puis par l'INSEP, il a cultivé, dès ses plus jeunes années, son amour pour le maillot de l'équipe de France, avec des succès en Copa del Sol et en Coupe Borotra avec notamment son pote d'adolescence Richard Gasquet,

La Coupe Davis, une "love story" agitée

Avec la Coupe Davis, Jo a longtemps eu une histoire agitée, voire contrariée. Elle a commencé par huit victoires de suite dans des matchs à enjeu, avant que Rafael Nadal, sur la terre battue de Cordoue, soit le premier à le battre en bleu. Il y a eu ensuite les blessures physiques, qui l’ont empêché de jouer la finale en 2010 (regrets éternels…), et de jouer pleinement la finale 2014 contre la Suisse. Il y a eu, enfin, la libération en 2017, ce Saladier d’argent conquis face à la Belgique qui a sonné comme une juste récompense pour toute une génération de joueurs qui ont tant donné à l’équipe de France, et pour Jo en particulier.Dans le vestiaire des Bleus, Tsonga était le leader. Celui qui dégageait la confiance de l’équipe, son élan, son envie, sa solidarité, ses doutes aussi parfois quand le corps de Jo se voulait désobéissant. Sa simple présence, ses mots, ses regards avaient un poids, une force chez les Bleus. Un impact.

© FFT / Antoine Couvercelle

Une longue attente enfin récompensée en 2017...

Une médaille olympique, aussi

De son engagement sous le maillot national, Jo a donc gagné une Coupe Davis, même s’il y aurait pu en avoir d’autres, et une médaille d’argent en double, aux côtés de Michaël Llodra, aux Jeux de Londres en 2012.Une médaille qui n’a peut-être pas eu l’impact médiatique qu’elle méritait, tout comme le record olympique qu’il détient pour avoir remporté le match le plus long face au Canadien Milos Raonic (victoire 25-23 au 3e set). Qu’on se le dise, Tsonga a beaucoup donné et gagné sous le maillot France. Beaucoup : 28 victoires pour 11 défaites en Coupe Davis.

© FFT / Sindy Thomas

Une médaille olympique en argent qui marque encore plus l'impact de Jo sous le maillot France.

Les frissons de "Paris" en 2008

Il a gagné aussi, bien sûr, l’amour du public français. Sa popularité est née de son exploit fracassant contre Nadal en demi-finale de l’Open d’Australie 2008 (6/2, 6/3, 6/2), sans doute le match le plus fou et le plus beau de Jo, même si sa remontée victorieuse contre Roger Federer en quart de finale de Wimbledon 2011 tient aussi le haut du pavé.Cette popularité a vraiment explosé lors de son triomphe au BNP Paribas Masters 2008, le premier de ses deux titres en ATP Masters 1000. A Paris, cette année-là, Jo va battre notamment Novak Djokovic, Andy Roddick et David Nalbandian en finale. Sur le papier, ce parcours est un peu moins époustouflant que sa victoire à Toronto en 2014 (il battra successivement Djokovic, Murray, Dimitrov et Federer). Mais la manière fut inoubliable.Son audace, sa puissance, sa confiance, sa joie de jouer, son enthousiasme communicatif ont marqué ceux qui ont eu la chance de suivre cette semaine de fête. Combien de fois Jo a-t-il été mené 0-40 sur son service avant de renverser le jeu à coups d’aces et de « parpaings » en coup droit ?

Le tennis français se découvrait-là un champion au mental de fer, à la générosité sans limite, à la puissance électrisante, à l’enthousiasme communicatif, au style de jeu imparfait mais flamboyant. Il n’en fallait pas plus pour que le public se rallie à son panache.

En 2008, Jo fait chavirer le public de "Bercy".

Roland évidemment

Et puis il y a eu Roland-Garros, là où disait-on, ses difficultés en revers et sa silhouette de mi-lourd s’annonçaient rédhibitoires. Deux fois demi-finaliste, Jo a soulevé de bonheur le public par des grandes victoires (on pense à celles face à Wawrinka, Federer, Berdych, Nishikori…) mais aussi par une défaite.Un match immense perdu malgré quatre balles de match en quart de finale de « Roland » 2012 face à Djokovic, alors n°1 mondial. Ce match s’est mal fini pour Jo mais il est resté dans les mémoires, par sa qualité, son scénario, l’ambiance dans les tribunes... Ce jour-là, Jo fut épatant, renversant, et un peu à l’image de sa carrière, malchanceux aussi…

© FFT / Sindy Thomas

Tsonga a fait vibrer le public de Roland-Garros. Sa rage de vaincre l'a emmené deux fois en demi-finale et tout prêt d'un exploit immense en 2012 face à Novak Djokovic.

Expressif et populaire

De sa relation avec la France, il y a eu aussi cette passion pour les tournois ATP "à domicile". Sur ses 18 trophées sur le grand circuit, Tsonga en a conquis dix sur le sol français, dont quatre fois le Moselle Open à Metz, tournoi dont il est devenu l’ambassadeur. Tout sauf un hasard. Jo aimait tant jouer devant une foule passionnée. Le public lui a souvent rendu sa générosité. A l’étranger aussi, le charisme de Jo a fait vibrer les foules. Sa carrure, son jeu, son caractère en ont fait l’un des joueurs les plus aimés du circuit.Il laisse une empreinte d’un joueur expressif, populaire, capable de grands exploits, mais trop souvent freiné par les blessures. Sa quête de Grand Chelem s’est aussi heurtée aux « quatre Fantastiques ». Djokovic, Federer, Nadal, Murray... le Manceau les a certes tous battus  au moins une fois dans un « majeur », mais ils ont finalement eu raison de son rêve ultime.Les dernières années de sa carrière, trop intermittentes, ont été frustrantes pour lui, pour son public.Mais il laisse l’empreinte (imparfaite) d’un géant. Au revoir et merci, Jo.

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La carrière de Jo en chiffres

1

En battant Roger Federer en quart de finale à Wimbledon il est devenu le premier homme à avoir battu les membres du "Big Four" en Grand Chelem. Auparavant il avait déjà battu Andy Murray et Rafael Nadal à l'Open d'Australie 2008 et Novak Djokovic à l'Open d'Australie 2010. Jo est aussi le seul homme à avoir battu Federer à Wimbledon en comptant deux sets de retard.

4

Il est l'unique joueur français de l'ère open à avoir atteint les quarts de finale des quatre tournois du Grand Chelem.

6

Tsonga a terminé six saisons dans le "top 10" du classement ATP. Chez les Français, seul Yannick Noah a réussi la même performance.

15

Tsonga a disputé un total de 15 quarts de finale en Grand Chelem, ce qui le place largement en tête chez les joueurs français dans l'ère moderne (Noah 10). Il est aussi en première position du total des demi-finales (6). 

16

Le total du cumul de victoires obtenues par Jo face aux trois joueurs les plus dominateurs de ces vingt dernières années, Roger Federer (6), Rafael Nadal (4) et Novak Djokovic (6).

18

Avec 18 titres ATP Jo-Wilfried possède le plus beau palmarès du tennis masculin français derrière Yannick Noah (23 titres). Il a aussi perdu 12 finales.

43

Tsonga a dominé dans sa carrière 43 joueurs du "top 10", performance réussie 13 fois en Grand Chelem. Derrière lui, le meilleur Français dans cet exercice est Fabrice Santoro avec 40 "perfs" sur les 10 premiers mondiaux (1 seule en Grand Chelem).

72

En pourcentage le nombre de victoires obtenues en Grand Chelem par Tsonga (avant Roland-Garros 2021), avec un total de 121 succès pour 45 défaites. Il fait mieux que Yannick Noah (70%). Ses 121 victoires en tournois majeurs sont également un record absolu pour le tennis français (Gaël Monfils en compte 110).

261

Jo a passé un total de 261 semaines dans le top 10 mondial. Seul Yannick Noah a fait mieux chez les joueurs français, avec 275 semaines. 283 Le nombre de semaines au classement ATP occupées en position de meilleur Français. Seul Noah a fait mieux (358).