Les quatre piliers fondamentaux de la "prépa" sur terre battue

Rémi Bourrières

10 avril 2025

Dans ce nouvel opus de "Conseils aux compétiteurs", nous allons voir – c’est de saison - comment optimiser sa préparation sur terre battue grâce aux conseils de l’ancien joueur français Stéphane Huet, désormais entraîneur au CNE.

Le printemps est là, le soleil revient et Roland-Garros approche : on y est, la saison sur terre battue bat son plein ! Et avouez, même si vous êtes plus un joueur de surfaces rapides, qu’il est difficile de ne pas succomber aux charmes du jeu sur terre, ses échanges endiablées, ses trajectoires de balle magnifiquement courbées et ses glissades élégantes.

Oui, le tennis sur terre battue, c’est beau. Mais c’est aussi extrêmement dur.  Il faut savoir se faire mal pour se montrer efficace sur une surface qui, quel que soit son niveau et quel que soit son style de jeu, se montre exigeante sur le plan physique et nécessite de respecter certains fondamentaux sur le plan tactique.

Des fondamentaux que nous passons ici en revue avec l’ancien joueur français Stéphane Huet (96e mondial en 2000), désormais entraîneur au CNE où il s’occupe notamment de Daniel Jade (16 ans). Entre deux intenses séances (sur terre battue évidemment) avec son protégé, le Parisien nous a aidés à définir les piliers de la préparation sur terre.

Pilier n°1 : faire énormément de répétition

Il n’y a pas de mystère : le tennis sur terre battue, à tous les niveaux, ce sont avant tout des échanges beaucoup plus longs qu’il faut savoir endurer, physiquement et mentalement. La préparation doit donc se faire au diapason. Le travail de la terre, comme son nom l’indique, est avant tout un travail de dur labeur qui s’apparente davantage à du gros œuvre qu’à de la déco d’intérieur. La répétition, les gammes, l’enchaînement de frappes devront être au menu de vos entraînements.

Pour cela, pas besoin de vous casser la tête. Il faut faire simple. "Il y a des exercices types, comme l’exercice "Pato Alvarez" (Ndlr : un entraîneur considéré comme l’un des pionniers du tennis moderne espagnol), que je faisais à mon époque et que j’aime toujours faire avec mes joueurs aujourd’hui, expose Stéphane Huet. L'un de ces exercices consiste pour l'entraîneur à se mettre au filet et à renvoyer à son joueur de petites balles en cloche, de chaque côté du terrain. Cela peut durer un quart d'heure ou plus, jusqu'à épuisement. C'est idéal pour travailler la résistance, la précision dans les petits pas d'ajustement et la qualité de frappe."

Si vous survivez à une telle séance, plus grand-chose ne vous fera peur.

© Loïc Wacziak / FFT

Le dur labeur est payant : "mangez" de la terre battue à l'entraînement !

Pilier n°2 : travailler les déplacements

Pardon d'insister là-dessus, mais la qualité de déplacement est essentielle pour être un bon terrien. D'autant que le déplacement sur terre battue est très spécifique, avec bien entendu l'art de la glissade qu'il faut savoir maîtriser. Là encore, c'est valable à tous les niveaux et là encore, Stéphane Huet a dans sa boîte des exercices adaptés, comme celui qu'il appelle "Le Grand Huit" (oui, le nom peut faire peur…).

"L'exercice consiste à alterner une balle longue sur le coup droit et une balle courte sur le revers, puis inversement, en demandant au joueur de jouer la balle longue en phase descendante, en cherchant la profondeur, et la balle courte en phase montante, en cherchant des zones courtes, expose celui qui s'est fait connaître en battant Ivan Lendl à Roland-Garros en 1993. Là, on est plus sur du déplacement avant-arrière, qui n'est pas si fréquent dans le tennis moderne. Si on arrive à emmener l'adversaire dans cette filière, on va beaucoup le gêner sur terre battue."

Faire ce genre de séances en pré-fatigue, avec un travail physique préalable, peut en renforcer l'efficacité. Tout cela est dur, exigeant mais la terre battue ne s'offre qu'à ce prix.

© Corinne Dubreuil / FFT

Comme Sabalenka, travaillez votre déplacement sur terre battue !

Pilier n°3 : bien ancrer ses diagonales

Puisque le tennis sur terre battue nécessite de la répétition, répétons-le : sur ocre, il faut avoir une grande capacité à tenir l'échange, donc à tenir sa diagonale pour limiter le risque d'erreur. Observez des séances d'entraînement sur terre entre des joueurs ou des joueuses de haut niveau : elles consistent en de nombreuses gammes de coups droits ou de revers croisés. C'est simple, basique mais efficace.

"C'est vrai que l'on travaille énormément les diagonales pour ensuite ouvrir long de ligne dès que l'occasion se présente, précise celui qui entraînait Arthur Cazaux lorsque celui-ci a atteint les huitièmes de finale de l'Open d'Australie en 2024. Ça, c'est vraiment la base du tennis moderne, y compris sur dur. Sauf que sur dur, on ouvre long de ligne beaucoup plus tôt. Sur terre battue, il y a d'abord un travail de sape à faire car le décalage est plus dur à créer. Si on part trop tôt long de ligne, on se retrouve soi-même à devoir courir."

© Nicolas Gouhier / FFT

Le lift est payant sur terre battue

Pilier n°4 : adapter ses trajectoires

Pour créer ce décalage dont parle Stéphane Huet, il faut savoir jouer avec les spécificités de la terre battue, qui est une surface certes moins lente mais qui accentue le spin, d'où l'intérêt du lift. Plutôt que de tenter de le prendre de vitesse, mieux vaut donc chercher à déstabiliser l'adversaire en mettant plus de volume et de profondeur à la frappe.

"Tactiquement, on travaille des choses différentes, on va demander au joueur de mettre plus de lift, y compris au service, abonde celui qui avait aussi obtenu une balle de match face à Sergi Bruguera en quart de finale à Palerme en 2000. Il faut avoir cette capacité à trouver des trajectoires plus bombées pour repousser l'adversaire loin derrière sa ligne, le sortir de sa zone pour pouvoir ensuite faire la différence."

Et pour s'engouffrer dans ces ouvertures laissées béantes par votre lift ravageur, il est important de maîtriser les zones court croisées, mais aussi un coup que l'on voit beaucoup sur terre battue : l'amortie. Même "moyenne", une amortie sur terre battue est toujours plus efficace qu'ailleurs d'autant que la terre, si elle accentue le rebond du lift, a aussi la particularité de diminuer l'effet inverse. Même si vous n'êtes pas un aficionado du toucher de balle, ne négligez pas de la travailler.